30.5.10

lundi trente un mai deux mille dix

New York, mai 2010. D'un côté il y a les chinoises et les blacks qui tirent des chariots remplis de canettes en acier dés l'aube. De l'autre il y a les freegans, jeunes, souvent salariés, et pas forcément dans le besoin, qui refusent de continuer à faire partie de cette société de surconsommation qui jette chaque jour aux ordures 50% de sa production. Les premiers vont trimer pour récolter assez d'aluminium et intégrer une bande organisée qui recycle les métaux trouvés dans les déchets des grandes villes américaines pour gagner quelques dollars de plus. Les seconds s'activent à la nuit tombée et opèrent en groupes pour récolter ce que les restaurants et supermarchés jettent : pain, légumes, gâteaux… dont la date limite de consommation s'arrête le jour même et qui sont pourtant encore consommable. Ce mouvement politique radical américain dénonce le grand gâchis mondial des consommateurs que nous sommes… un exemple à suivre. À demain dans la crise! (cliquez sur le lien bleu ci-dessus pour voir une vidéo des freegans)
Le crotale hivernant

25.5.10

mercredi vingt cinq mai deux mille dix

"Hé! maman… c'est des barres, le ED a été braqué avec un pistolet à billes!" Mon ado de fils est allongé sur son lit en jean et T-Shirt "Nique Ta Mère" home made. Il est mort de rire, l'annonce est diffusée sur son Facebook. Ce sont des gamins qui ont fait ça… Je fouille dans mon ordinateur et je récupère le texte que m'avait envoyé Boucle d'Or il y a quelques mois : "En 1929 la crise économique fait rage! Deux Robins des Bois décident d'aller chercher l'argent là où il est: Bonny & Clyde. Plusieurs épargnants ont vu leur fortune disparaître avec la faillite des banques. C'est donc une des raisons qui amènent les gens à les considérer plus comme des «Robins des Bois» que comme des criminels. À cette époque ceux qui commettent des vols de banque exercent une certaine fascination sur le peuple. La seconde raison qui fait que les gens ne les perçoivent pas comme aussi dangereux est l'amour qui les unit… Où sont nos Bonnie et nos Clyde version 2010 ?"
Bonnie & Clyde sont de retour. Ils sont beaucoup plus jeunes et beaucoup plus affamés : ils piquent des paquets de BN, des packs de bières et de la menue monnaie. C'est triste, le butin est si maigre. À la maison, j'ai des marmots, un pistolet à billes et un sac de billes… et le frigo plein pour l'instant. À demain dans la crise!
Le crotale hivernant & Boucle d'Or

24.5.10

mardi vingt cinq mai deux mille dix

"La nourriture c'est de l'amour". Le poulet, le poisson… tout ça, c'est de l'amour. Je suis un peu troublée devant ce slogan peint sur une voiture ambulante de junk food. Pourtant je comprends les mots, mon anglais n'est pas trop mauvais. Mais quand je traduis ces trois mots, je ne comprends pas le sens. Ne disait-on pas "vivre d'amour et d'eau fraiche" jusqu'à présent? Visiblement tout a changé : si on manque d'amour on peut se rabattre sur la nourriture, combler le manque en ingurgitant des tonnes de bouffe… joyeux programme! J'ai envie de décoller les lettres et de pouvoir lire "Love is food". Plus tard dans la journée, j'enchaîne sur un Mac Do sur la sixième avenue : l'amour a un goût dégueulasse. Il est vite consommé, mal digéré, pas cher payé. Je reste sur ma faim et pourtant j'ai la nausée, mais tout ça sera très vite oublié. À demain dans la crise!
Le crotale hivernant

10.5.10

mardi onze mai deux mille dix

T'es dans quel camp toi? Celui des opprimés? Des oppresseurs? Des victimes? Des bourreaux? Des martyrs? Des tortionnaires? T'es dans quel camp?… Des chômeurs? Des travailleurs? Est-ce qu'on est vraiment obligé de choisir un camp? Est-ce qu'on est vraiment obligé d'être un éléphant bleu jeté à la rue, à la poubelle, aux encombrants? Parce qu'au final on devient encombrant, non? Non. Je ne vais pas choisir de camp, je vais rester Moi : avec un interdit d'émettre des chèques pendant les cinq années à venir (avenir?) et un billet d'avion Paris-New York pour un départ dans quelques jours… Je reste dans les deux camps, un point c'est tout. Je ne suis ni oppresseur, ni opprimée, ni victime, ni bourreau, je suis vivante et c'est déjà pas mal (même si ça fait mal). À demain dans la crise!
Le crotale hivernant

9.5.10

dimanche neuf mai deux mille dix

Centre Leclerc, ce week end, mon petit panier sous le bras, je repère la caisse la moins bondée. Exercice de style qui consiste aussi à vérifier qu'il y a bien un présentoir de journaux TV pour patienter le temps d'une interminable (ou inter minable) queue. Cool : la 12, en plus il y a ma "copine" à la caisse, celle qui dégaine les articles plus vite que son ombre et qui les scane avec la rapidité de l'éclair. Je fonce droit sur elle, suivie de deux autres personnes caddies bondés. Une seule personne devant moi, c'est géant! Je frétille… mais pas longtemps. La cliente qui me précède sort d'un discret chariot à roulettes noir des concombres. Quatre, quatre autres, encore quatre… et de nouveau quatre concombres… Et ça n'en finit pas… le tapis roulant est entièrement recouvert de concombres, je n'arrive même plus à les compter. La caissière non plus… elle affiche un regard effaré en regardant le lit de concombres. "On va les compter." déclare t-elle. Premier essai : "53". "Ah non pas possible, c'est une promo de quatre concombres, répond la cliente, et 53 n'est pas un multiple de quatre". Oui ça c'est sûr, alors on recompte. Je sors mon Iphone pour prendre une photo et la cliente derrière moi se met à ricaner puis sort son portable aussi : "Bah oui c'est vrai! C'est dingue quand même… elle en fait quoi de tous ces concombres?" Nouveau ricanement. La caissière par contre ne rit pas, elle s'est encore planté dans son calcul. Un tout petit peu énervée, elle demande à sa cliente ce que personne n'ose demander : "Et vous allez en faire quoi de tous ces concombres madame?". On tend tous l'oreille. "Bah! Je vais les manger tiens pardi! C'est en promo, ça vaut le coup quatre concombres pour un euro". Je regarde la caissière et je peux lire dans son regard un grand moment de solitude (voir photo). Au loin, dans un haut parleur, on entend " Super promo sur les concombres. Quatre pour un euro". Je sens qu'elle va flancher, que là, tout de suite, elle a besoin d'un très gros câlin. Mais en fait ce n'est pas vraiment ma copine, je ne la connais pas assez pour faire ce genre de choses avec elle. Alors j'esquisse un vague sourire et j'espère juste qu'elle aimera bien mes articles. Il n'y a rien en double, j'ai vérifié. À demain dans la crise!
Le crotale hivernant

6.5.10

jeudi six mai deux mille dix

La scène est très simple : une Mercedes Benz gris métal, une rue en sens unique assez étroite, un autobus rempli de travailleur éreintés pressés de rentrer chez eux et moi, à la fenêtre avec une cigarette faisant volutes et plaisir de vivre. Il est vingt heures. La Mercedes se gare en double file (comme je ne suis qu'une pauvre fille, je ne vous préciserai pas le modèle, mais je suis déjà assez fière d'avoir reconnu la marque), deux types en sortent (pour ceux qui auraient lu le post du jeudi huit avril deux mille dix, ce sont les deux mêmes idiots qui pissaient sur leur Merco). Ils filent direct au café "lounge" du coin, laissant la voiture au milieu de la chaussée. L'autobus arrive et bien évidemment il ne peut plus passer. Ma clope est intégralement grillée alors je la jette (comme un vrai mec… avec une pichenette du bout du majeur qui projette la cigarette loin, très loin, oui je me suis entraînée et maintenant j'arrive à le faire…) et je ferme la fenêtre. Mais les doubles vitrages n'arrivent pas à étouffer le klaxon intempestif de l'autobus. Vingt heures trente, le klaxon rugit toujours… puis se tait. Je jette un coup d'œil à la fenêtre : le chauffeur du bus s'engage en troisième entre la voiture et le trottoir. Le rétroviseur droit de la Mercedes est pulvérisé! Les travailleurs vont enfin rentrer chez eux… ouf! Vingt et une heures : le rétroviseur est toujours au milieu de la chaussée, il ressemble à un pauvre petit cadavre d'oiseau. C'est triste à pleurer. Je regarde sur internet le prix d'un rétroviseur de Mercedes Benz : 279 euros hors pose! Ca va faire cher l'apéro… Vingt deux heures, autre cigarette, autres volutes et plaisirs de vivre. Le rétro est toujours sur la chaussée mais il y a un petit changement : les deux types sont revenus et sont en train de poser du film plastique alimentaire sur la porte arrière gauche. Quelqu'un leur a explosé la vitre. De plus en plus cher cet apéro au bar "lounge" du coin… Je n'ai pas le courage de regarder le prix d'une vitre chez "care-glace-répare-care-glace-remplace" sur le net. À demain dans la crise!
Le crotale hivernant

5.5.10

mercredi cinq mai deux mille dx

Crise oblige, c'est la récession… alors on essaie de dépenser de moins en moins. Après m'être privée de chocolat, taxis et autres futilités pour conserver celle que j'appelle "God bless Florica", j'ai enfin pris la décision de me séparer de la perle rare : celle qui nettoie ma maison de fond en comble dans les moindres recoins, même ceux dont je ne soupçonnais pas l'existence… Et "God bless Florica" venant habituellement le mercredi nous avons aujourd'hui, les filles de la maison et moi, frotté, récuré, aspiré, lavé, plié, rangé, etc… Je parle des filles parce que les garçons se sont volatilisés, l'un aux toilettes (je sais une journée entière ça peut paraître long…) et l'autre dans sa chambre (à classer cinq T-shirt et trois jeans). En dehors de l'économie substantielle de faire le ménage soi-même, l'aînée a découvert que nous avions un aspirateur et comment il se mettait en marche et la petite, une vocation pour le nettoyage des vitres et des miroirs (et principalement ces derniers parce qu'on peut se regarder dedans en travaillant et ça, c'est assez génial!). Généralement ça me gonfle assez de faire le ménage chez moi (chez les autres aussi bien sûr) mais cet après midi a été une bonne journée de crise. Bien sûr c'est moins nickel que si Florica l'avait fait elle même mais j'aurai quand même eu la joie de voir Margot passer l'aspirateur entre son lit et son mur, et la petite Hortense m'engueuler parce que c'est tellement le bazar dans mon bureau qu'elle ne voit pas comment elle pourra nettoyer : "Maman t'as cinq minutes pour tout ranger!" À demain dans la crise!
Le crotale hivernant

4.5.10

mardi quatre mai deux mille dix

Je ne connais pas son nom, ni sa nationalité (même si j'ai envie de dire "chinois", ce qui est complètement absurde…), ni son âge (entre 30 et 50 ans, le teint lisse) mais je le connais bien. Depuis des années il arpente les poubelles de mon quartier jour et nuit, équipé d'un caddie à carreaux vert et noir. Inlassablement il fouille chaque bac vert, jaune, marron. Au début sa femme l'accompagnait. Elle le suivait le ventre plein et l'œil vide. Puis une poussette trouvée sans doute dans une poubelle a accueilli l'enfant. La femme je ne l'ai jamais revue, l'enfant oui. Il a grandi et il suit son père dans ses fouilles accroché au caddie. Quand je regarde la scène cela m'évoque immédiatement le roman de Cormac McCarthy dans lequel on suit le voyage d'un "homme" et d'un "petit" dans un monde post-apocalyptique et dont les seules richesses sont contenues dans un caddie de supermarché et un sac à dos. Pour tout vous avouer, j'ai refermé le livre à la page 80 tellement l'ambiance était plombée voir déprimante. Le "no futur" à l'état pur… je vais me faire un Beigbeder pour me retaper tiens! Un snoopy fera l'affaire même… Mais si je ferme le livre, le "chinois" est toujours là, de poubelle en poubelle, de carcasses de poulet en chaussettes dépareillées tout est bon à prendre. Récemment je me suis dit que finalement la crise ne changeait pas grand chose pour lui, que cette putain de crise il la vivait depuis des années. En fait non, la crise est dure pour lui aussi : les poubelles maigrissent, les carcasses sont grattées jusqu'à l'os et les chaussettes dépareillées reviennent à la mode. Bref, le "no futur" à l'état pur… McCarthy n'a rien inventé, son histoire métaphysique basée sur le mythe de Sisyphe est plaquée sur le réel : la condition humaine contemporaine. C'est encore pire que dans le roman, personne ne peut refermer le livre… À demain dans la crise!
Le crotale hivernant