4.5.10

mardi quatre mai deux mille dix

Je ne connais pas son nom, ni sa nationalité (même si j'ai envie de dire "chinois", ce qui est complètement absurde…), ni son âge (entre 30 et 50 ans, le teint lisse) mais je le connais bien. Depuis des années il arpente les poubelles de mon quartier jour et nuit, équipé d'un caddie à carreaux vert et noir. Inlassablement il fouille chaque bac vert, jaune, marron. Au début sa femme l'accompagnait. Elle le suivait le ventre plein et l'œil vide. Puis une poussette trouvée sans doute dans une poubelle a accueilli l'enfant. La femme je ne l'ai jamais revue, l'enfant oui. Il a grandi et il suit son père dans ses fouilles accroché au caddie. Quand je regarde la scène cela m'évoque immédiatement le roman de Cormac McCarthy dans lequel on suit le voyage d'un "homme" et d'un "petit" dans un monde post-apocalyptique et dont les seules richesses sont contenues dans un caddie de supermarché et un sac à dos. Pour tout vous avouer, j'ai refermé le livre à la page 80 tellement l'ambiance était plombée voir déprimante. Le "no futur" à l'état pur… je vais me faire un Beigbeder pour me retaper tiens! Un snoopy fera l'affaire même… Mais si je ferme le livre, le "chinois" est toujours là, de poubelle en poubelle, de carcasses de poulet en chaussettes dépareillées tout est bon à prendre. Récemment je me suis dit que finalement la crise ne changeait pas grand chose pour lui, que cette putain de crise il la vivait depuis des années. En fait non, la crise est dure pour lui aussi : les poubelles maigrissent, les carcasses sont grattées jusqu'à l'os et les chaussettes dépareillées reviennent à la mode. Bref, le "no futur" à l'état pur… McCarthy n'a rien inventé, son histoire métaphysique basée sur le mythe de Sisyphe est plaquée sur le réel : la condition humaine contemporaine. C'est encore pire que dans le roman, personne ne peut refermer le livre… À demain dans la crise!
Le crotale hivernant

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