30.4.10

vendredi trente avril deux mille dix

J'ai un souvenir plutôt précis et émouvant des petits bouts de tétons de Marianne sur le billet de cent balles. Petit, elle m'intriguait beaucoup cette femme à baïonnette à moitié à poil avec son gros drapeau à bout de bras. Elle avait un air volontaire même si je trouvais que son visage n'était pas très bien dessiné. Surtout, à ses côtés, il y avait ce gosse à béret - un peu triste - avec ses deux gros flingues et son petit gilet de flanelle. Deux tétons bien fermes, un gosse armé jusqu'aux dents... Moi il me faisait cogiter le billet de cent francs. Je me demandais qui ils étaient, cette femme gaillarde et ce gosse motivé. La maman et son fiston ? Une pute et un gosse de rue façon Montmartre ? Je ne savais pas trop... Ce que je savais c'est que j'avais moi aussi des gros flingues en plastique et un air un peu triste. Et quand je courrais dans le jardin avec mes gros flingues, j'aurais bien aimé avoir alors à mes côtés cette grande madame torse nu avec son drapeau. Ça aurait fait classe et j'aurais pu mater ses tétons. Mais non. À l'époque j'avais juste mon petit frère. Lui aussi en revanche il avait des gros flingues et peut-être aussi il fantasmait sur ce billet de 100 francs... Ce qui m'échappait un peu en revanche sur ce beau papier-monnaie façon étude à la sanguine, c'était le visage de cet homme à moustaches, austère à souhait, au premier plan. Déjà il n'avait pas de cou. Ou alors il avait froid et il avait rentré sa tête dans son col. C'était possible. On fait ça des fois, rentrer sa tête dans son col quand on a froid. Mais alors la dame derrière avec ses deux tétons à l'air, elle devait être vraiment réchauffée comparée au bonhomme de devant. Et puis qui c'était ce type ? Je veux dire qui c'était pour cette femme et ce gosse ? Le papa du gamin ? Drôle de papa qui laisse courir son gosse avec deux gros flingues à côté d'une femme à poil. Le mari de la dame ? Drôle de mari qui laisse sa femme courir à poil à côté d'un gamin avec deux gros flingues. Il y avait dans ce dessin quelque chose d'incongru qui soulevait en moi une foule de questions assez variées...
Un jour, à la caisse d'une boutique où on réglait un achat, j'ai demandé à mon père qui était cette femme sur le billet de cent francs.
Marianne.
Marianne... C'est ce qu'il m'a répondu mon père. Juste un prénom, comme ça, rien d'autre. Sans hésiter. La femme aux beaux tétons s'appelait Marianne et mon père la connaissait. Puisqu'il connaissait son prénom, sans hésitation. Un peu comme il connaissait le prénom de quelques larges femmes au torse généreusement bombé du quartier Saint-Denis - où il travaillait alors - qui l'appelaient par son prénom et avec qui il plaisantait souvent au passage. Raccourcis. Déductions. Amalgames. Associations d'idées. À huit ans en tout cas, j'en concluais déjà que Marianne était bel et bien une pute de la rue Saint-Denis et le petit gars à ses côtés un pauvre gosse à la rue... À demain dans la crise!
L'autre Nicolas

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